Par Emmanuel Pierrat, président du PEN Club français; Sylvestre Clancier, président d’honneur du PEN Club français et Andréas Becker, président du Comité des écrivains persécutés. Ainsi que les membres du PEN Club français, Libération, 18.06.2018
Frère, ami, collègue écrivain, nous ne savons pas, aujourd’hui, où tu te trouves, dans quelle prison tu as été jeté, dans quelle cellule tu dois être en train de croupir. Nous ne savons pas comment tu fais pour te nourrir, pour boire, pour te chauffer, te protéger, pour protéger ton corps du froid qui est, chez toi, le froid de l’injustice, le terrible froid de la solitude, de la rage contre l’injustice et contre la solitude, nous ne savons pas comment tu survis. Tes geôliers t’ont jeté en prison parce que tu disais tout haut ce que beaucoup pensent tout bas et que peu osent dire. Nous n’aurions peut-être pas eu ton courage, frère écrivain, héros de nos jours. Nous n’oublions pas tout ce qui nous révolte chez nous, nous voyons les SDF dans la rue, les gens déplacés s’entasser dans les couloirs du métro et se nourrir de nos poubelles, nous n’oublions pas que certains hommes et femmes d’affaires répartissent leurs profits avec les puissants de ton pays, nous n’oublions pas que trop de nos politiques sourient publiquement à tes bourreaux et dans l’ombre, croisent les doigts en espérant que leur cupidité ne se voie pas. Mais ce n’est pas parce que chez toi c’est pire que chez nous c’est mieux.